Rwanda: Des journalistes en première ligne pour dénoncer les crimes écologiques des sociétés minières


Au Rwanda, le journalisme d’investigation prend une nouvelle orientation: défendre l’environnement face aux abus des compagnies minières. Depuis avril 2025, une initiative inédite rassemble avocats, organisations de la société civile et médias afin d’outiller les journalistes pour enquêter, dénoncer et contraindre les acteurs de l’extraction à rendre des comptes.

Sous le thème « Renforcer les capacités d’investigation des professionnels des médias au Rwanda sur la responsabilité civile et/ou pénale des acteurs du secteur minier face aux enjeux environnementaux et climatiques », quarante-cinq journalistes ont suivi une formation spécialisée. À l’issue de cette session, vingt-cinq d’entre eux ont pris part à un concours de reportages environnementaux; cinq ont été primés.

Le programme a été organisé par Kigali Attorneys Legal Consultants & Partners, en partenariat avec AFIA Amani Grands Lacs et avec le soutien du Pulitzer Center, reconnu pour son appui aux enquêtes journalistiques à fort impact.

Parmi les lauréats figure Clémentine Nyirangaruye, journaliste à The Forefront Magazine. Son investigation sur la pollution de la rivière Nyabarongo, causée par des rejets illégaux liés à l’exploitation minière, a marqué le jury.

« Cette récompense me motive à poursuivre ma mission de vigile », confie-t-elle. « Elle me donne du courage et renforce ma carrière dans le journalisme d’investigation. »

De son côté, Emmanuel Kanamugire, reporter à TOP AFRICA NEWS et lauréat du premier prix, s’est penché sur les conséquences environnementales de l’exploitation minière sur cette même rivière.

« Être reconnu comme lauréat est un honneur. Ce prix m’encourage à produire davantage de reportages de ce type, essentiels pour la société », a-t-il déclaré.

Le droit et le journalisme, deux armes complémentaires

Lors de la cérémonie de remise des prix, le 4 septembre 2025, Me Louis Gitinywa, représentant Kigali Attorneys, a rappelé le rôle déterminant des médias dans la protection des ressources naturelles.

« Dans de nombreux districts, certaines compagnies minières violent les lois de protection de l’environnement. En tant qu’avocats, nous portons ces affaires devant la justice. Mais les journalistes, eux, peuvent enquêter sur le terrain, dialoguer avec les habitants, rencontrer les responsables locaux et alerter l’opinion publique. Des reporters bien formés deviennent des sentinelles capables d’exposer les violations et d’imposer la redevabilité », a-t-il insisté.

Reconnu pour son expertise en droit constitutionnel, droits humains et régulation des affaires, Kigali Attorneys entend inscrire ce partenariat avec les médias dans la durée. L’objectif est clair: rapprocher le travail juridique mené devant les tribunaux et celui des journalistes sur le terrain.

Ce pont représente une avancée stratégique. Car si les avocats assurent la sanction judiciaire, les journalistes, eux, apportent la preuve sociale, documentent la souffrance des communautés et révèlent l’ampleur des atteintes environnementales.

Nyabarongo, symbole d’une crise écologique nationale

Le Rwanda, en pleine croissance, dépend largement de ses ressources minières. Mais l’exploitation, souvent mal encadrée, de l’or, du coltan ou du tungstène entraîne des conséquences alarmantes: pollution des cours d’eau, érosion des sols, destruction de la biodiversité. La rivière Nyabarongo, vitale pour des milliers de familles est devenu le symbole de cette crise écologique.

Les organisateurs du programme rappellent que les journalistes, en donnant la parole aux populations affectées et en exposant les pratiques illégales, contribuent non seulement à informer l’opinion mais aussi à exercer une pression sur les décideurs afin qu’ils adoptent des politiques plus durables.

À l’heure où le Rwanda, comme le reste du monde, subit les effets du changement climatique, le rôle des médias prend une importance cruciale. Cette initiative place les journalistes rwandais au cœur du combat écologique, les transformant en acteurs incontournables de la transparence et de la redevabilité.

Dans un pays où chaque rivière, chaque forêt et chaque terre fertile compte, leur mission dépasse le cadre de l’information: elle devient une véritable arme de survie écologique et un outil indispensable de justice sociale.

 

 

 

AVEC NIKUZE NKUSI Diane


IZINDI NKURU

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